Par Adrien Coussa, co-fondateur et DG de la startup lyonnaise Abraxio
Dans un écosystème en constante évolution, en pleine transformation digitale accélérée par la pandémie de COVID-19, les Directeurs des Systèmes d’Information (DSI) des établissements d’enseignement supérieur et de recherche sont à la barre, naviguant entre l’impératif d’innovation et les contraintes budgétaires, la sécurité informatique et la concurrence accrue pour le recrutement de talents IT.
Des DSI accélérées par le COVID
Les DSI des établissements d’enseignement supérieur et de recherche ont été propulsés au premier plan de la transformation numérique, notamment avec l’e-learning devenu impératif pendant la pandémie de COVID-19. Le développement à “marche forcée” des campus numériques a accéléré la dynamique de digitalisation et l’intégration de technologies éducatives innovantes, obligeant les DSI à repenser les infrastructures et les outils existants.
Ce contexte a mis en lumière le rôle des DSI, jusqu’alors restés dans l’ombre. En réponse à l’urgence, elles ont dû mobiliser rapidement des ressources, former le personnel enseignant à de nouveaux outils, et assurer la disponibilité et la sécurité des plateformes d’apprentissage en ligne pour garantir la continuité des activités.
Le quotidien des DSI n’est pas un long fleuve tranquille. Leurs défis – organisationnels, culturels et pédagogiques – sont complexes :
- Travailler en étroite collaboration avec les départements académiques pour garantir l’accessibilité et l’équité dans l’apprentissage en ligne.
- Faciliter l’internationalisation des campus en mettant en place une infrastructure technologique robuste et des solutions de communication efficaces pour soutenir la collaboration entre les étudiants, les enseignants et les chercheurs à travers le monde.
Les DSI doivent faire évoluer leurs infrastructures et leurs stratégies pour soutenir une communauté académique à présent globale et interconnectée, facilitant ainsi une collaboration sans frontières et renforçant l’attrait international des établissements.
Innover avec peu de marge de manœuvre : un jeu d’équilibriste, notamment dans le public
Les DSI des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, particulièrement dans le public, composent avec des ressources financières limitées ou contraintes par le cadre de la commande publique, compliquant la réalisation de programmes de digitalisation ambitieux dans une période qui demande à tous une agilité accrue. Alors que les schémas directeurs se définissent à présent autour de la mobilité, du cloud computing et de l’intégration de technologies sociales, les objectifs plus traditionnels comme la modernisation des infrastructures et l’amélioration de la gestion des systèmes d’information restent bien vivants au cœur de l’activité des équipes opérationnelles. Pour réussir ces transformations de fond, les DSI doivent investir dans des talents humains compétents, capables de comprendre et de déployer ces initiatives.
Aujourd’hui, la concurrence pour attirer et retenir les talents IT est intense. Les établissements d’enseignement supérieur et de recherche rivalisent avec le secteur privé pour recruter des professionnels qualifiés, et les contraintes budgétaires limitent souvent leur capacité à offrir des salaires compétitifs.
Les DSI de l’ESR ne sont pas épargnées non plus par les enjeux de sécurité. Le recrutement de profils experts est indispensable face à l’augmentation des cyberattaques et à la réglementation de plus en plus stricte en matière de protection des données (RGPD), nécessitant des investissements significatifs dans les infrastructures de sécurité et dans la formation du personnel… et des étudiants. La transition vers la cloudification, bien que prometteuse en termes de flexibilité et de réduction des coûts, soulève également des préoccupations en matière de confidentialité, de conformité et de gouvernance des données. Des chantiers importants restent à mener, porteurs de changements autant technologiques que culturels.
Un rôle stratégique à endosser par les DSI : le management de la transformation
Pour relever ces nombreux défis, les DSI des établissements d’enseignement supérieur et de recherche doivent assumer leur rôle de manière stratégique et proactive. Cela implique de travailler en étroite collaboration avec les parties prenantes de l’institution pour aligner les initiatives technologiques sur les objectifs stratégiques et pédagogiques. C’est ce qu’a fait Damien Bongart de l’INSA de Rennes en adoptant un pilotage dynamique des budgets et des projets, centralisant, dans la DSI, l’ensemble des fonctions informatiques auparavant dispersées au sein des filières d’enseignement et des laboratoires de recherche.
Les DSI doivent également investir dans le développement des compétences de leur équipe et promouvoir une culture de l’innovation et de l’amélioration continue, notamment auprès des instances de gouvernance, lesquelles ne sont pas toujours technophiles. Une participation active des parties prenantes dans les processus décisionnels, comme en a pris le parti Jacky Galicher, ancien DSI de l’Académie de Normandie, lors de la fusion des académies de Rouen et Caen devenues académie de Normandie, peut permettre d’aligner les initiatives sur les besoins de chacune des parties, tout en maintenant la transparence sur l’exécution budgétaire et la gestion des ressources.
En outre, ils doivent être à l’écoute des attentes de la communauté universitaire et être en mesure de partager efficacement les priorités et les défis liés à la transformation numérique. En adoptant une approche proactive et axée sur les résultats, les DSI peuvent jouer un rôle central dans la mise en œuvre de la vision stratégique de leur institution et dans la création d’un environnement numérique dynamique et innovant pour l’enseignement supérieur et la recherche.
Les DSI des établissements d’enseignement supérieur et de recherche sont entrées dans une nouvelle ère. Leur capacité à innover, à attirer et retenir les talents, à gérer efficacement la sécurité de leur système d’information en pleine mutation, ce malgré des contraintes budgétaires, déterminera leur succès dans un environnement éducatif en profonde mutation. Un management stratégique et proactif de leur activité est nécessaire pour naviguer dans ce paysage complexe et dynamique, afin d’accompagner avec communication et pédagogie cette période de transformation.